Le secret de la motivation au travail n’est-il pas le plaisir de ne plus voir passer le temps ? Et si donner au travail une finalité qui a du sens était une des clés. N’y a-t-il pas là tout simplement pas une réponse à la question : ’’qu’est-ce qui nous pousse à travailler ?’’
QUEL DÉSIR, QUELLE ENVIE NOUS POUSSE A TRAVAILLER ?
DONNER UNE FINALITÉ QUI A DU SENS AU TRAVAIL, N’EST-CE PAS LA PRIORITÉ ?
IN FINE, LE PLAISIR AU TRAVAIL N’EST-CE PAS DE NE PLUS VOIR PASSER LE TEMPS ?
La notion de travail a considérablement évolué au cours des siècles. Parler du travail de demain sans revenir en arrière et clarifier de quoi nous allons parler dans le présent article et l’article suivant serait hasardeux.
Définition : 16 possibilités offertes dans le ‘’Larousse’’ ! 6 dans le ‘’DICOPHILO’’
Comme nous évoluons dans le monde de l’entreprise notre parti pris sera la définition suivante : c’est l’ensemble des activités par lesquelles l’homme transforme une matière en un produit, trouve une ou des solutions à un problème. Il est dit « productif », dans la mesure où il a un résultat, un produit qui se distingue du travail comme activité.
L’histoire des origines
Déjà dans la Genèse, lorsque Dieu décide d’expulser Adam et Eve de l’Éden parce qu’ils ont mangé le fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, « C’est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain, jusqu’à ce que tu retournes dans la terre, d’où tu as été pris; car tu es poussière, et tu retourneras dans la poussière. »
L’étymologie confirme cette notion de souffrance :
- De l’ancien français, le mot « travail » connote la souffrance, la pénibilité (cf. torture), la contrainte, et l’asservissement (cf. immobilisation). Le concept se constitue lentement. Il présuppose certains types de rapports sociaux et économiques qui n’émergent pas avant le XVe. C’est à la fin du XVe que « travailler » remplace « œuvrer » (de opus, œuvre) dans la langue
- Depuis le latin populaire tripaliare : « tourmenter avec un tripalium » qui était soit :
- un instrument de torture,
- soit un instrument qui sert à immobiliser les grands animaux pour les ferrer (chevaux, bœufs).
La notion travail est pensée et traduite différemment selon la langue
En français le mot « travail » désigne à la fois l’activité et le résultat qu’elle produit.
L’anglais et l’allemand séparent le travail en cours de réalisation (labour, Arbeit) et le travail qui a été réalisé (work, Werk). Le latin distingue certains travaux pénibles ou dangereux : on parle de labor pour la culture des champs, le service militaire ou l’accouchement. Le grec utilise deux mots et met d’un coté l’activité de production extérieure (poiesis) et de l’autre son résultat (ergon).
Trois axes de réflexion pour simplifier :
Le travail c’est :
- une activité (Quoi ?)
- une façon de réaliser cette activité (Comment ?)
- Le résultat de cette activité(le Pour Quoi ?) Nous en parlerons au moment où nous réfléchirons sur l’engagement puis la motivation à passer à l’action.
Le point de vue du philosophe sur l’activité humaine appelée travail?
Le philosophe considère que pour survivre l’homme a besoin du travail qui sert à modifier un réel qui ne se laisse pas faire pour satisfaire ses besoins.
Travailler, est-ce agir sur le réel pour le modifier ou sur la nature simplement pour préserver la pérennité de l’espèce ?
Le travail est un moment de confrontation. C’est interagir avec l’environnement, chercher à le transformer, à en faire quelque chose d’autre que ce qu’il est au départ. L’homme se rend compte qu’il faut faire des efforts, voire souffrir, pour réussir à transformer les choses. Le réel est donc perçu comme un obstacle.*
Certes il y a 5000 ans, travailler c’était agir sur la nature. Mais aujourd’hui, dans le monde contemporain, cette vision correspond-elle encore à l’image que nous nous faisons du travail?
Que répondront tous les constructeurs, les chercheurs et scientifiques, médecins…qui chacun dans leur expertise visent à améliorer le quotidien et pour certains trouver une solution pour augmenter la durée de la vie dans de bonnes conditions ?
Il y a une double dynamique. Le réel ne se laisse pas transformer sans effort et dans le même temps, ce changement de l’environnement va transformer celui qui travaille.
La résistance du réel va vous apporter un plus. Quand vous réussirez à sculpter l’objet que vous souhaitiez, vous ne serez plus le même qu’au départ. L’homme change le réel par le travail, mais ce travail fait aussi changer l’homme.
Qu’est-ce qui nous pousse à travailler ?
Avec André Comte Sponville, tout de suite, éliminons une fausse croyance :
Non le travail n’est pas une valeur morale.
Il y a un marché du travail et pas des valeurs morales ! Le travail ne vaut rien en lui-même, c’est pourquoi on le paie. Il a donc une valeur marchande. Et si le travail était une valeur morale il ne serait pas payé!
Tentez l’expérience dans votre entreprise de ne pas payer vos salariés ! Ils garderont leurs valeurs morales qui n’ont pas de prix mais arrêteront sûrement de travailler !
Nous travaillons pour satisfaire nos besoins
Le travail est donc subordonné à une fin extérieure. Il n’est donc pas un objectif en lui-même. C’est parce qu’on a des besoins et parce que, depuis que nous, Humains, avons quitté l’EDEN, le réel résiste à la satisfaction de nos besoins qu’il faut travailler. L’homme est donc contraint et le travail n’est pas recherché pour lui-même !
Le premier moteur du désir de travailler c’est avant tout de satisfaire ses besoins, c’est-à-dire ce qui est nécessaire au fonctionnement normal d’un être vivant et dont la non satisfaction menace la vie ou la survie.
Et le désir est l’élan qui comble le besoin. C’est l’effort de réduction d’une tension issue d’un sentiment de manque. Platon, dans Le Banquet, disait « on ne désire que ce dont on manque ». Quand on a trouvé des objets ou des buts considérés comme une source de satisfaction, on va tendre vers eux. … Et donc si nous en restons là du désir comblé et du besoin satisfait qu’adviendra-t-il ?
Que se passe-t-il donc quand le désir est satisfait par la possession de l’objet du désir ?
Deux possibilités :
- Soit la douleur et l’ennui évoqués par Schopenhauer.
« Il n’y a que trois ressorts fondamentaux des actions humaines, et tous les motifs possibles n’ont de prise que sur ces trois ressorts. C’est d’abord
- l’égoïsme, qui veut son propre bien (il est sans bornes) ;
- la méchanceté, qui veut le mal d’autrui (elle va jusqu’à l’extrême cruauté) ;
- la pitié, qui veut le bien d’autrui (elle va jusqu’à la générosité, la grandeur d’âme). Toute action humaine doit être ramenée à l’un de ces trois mobiles, ou même à deux à la fois ».
- Soit une joie apportée par une force qui s’affirme, qui s’auto alimente et croit.
Spinoza affirme ‘’Le désir est l’essence même de l’homme’’,
‘’Le désir est donc force’’ qui en permettant de se réjouir de ‘’posséder’’ l’objet de son désir favorise le maintien de la satisfaction.
La sagesse suppose d’évaluer nos désirs pour savoir si nous devons céder
- Naturels et nécessaires, voire indispensables et qui permettent de satisfaire les besoins pour lesquels la question du passage à l’acte ne se pose pas.
- Naturels et non nécessaires, associés à la notion de plaisir qui peut devenir malsain, addictif, dont le manque pourra rendre inquiet, voire malheureux.
- Vains, non naturels et non nécessaires, dont la satisfaction peut tout à fait apporter le bonheur mais dont la perte produira une souffrance aiguë.
A ces deux derniers types de désirs, le sage préfèrera bien sûr les désirs naturels et nécessaires au bonheur : le désir du savoir ou de la sagesse, d’avoir des amis, avec lesquels vivre en commun et partager ses savoirs, pour atteindre enfin le calme de l’âme, et vivre enfin « comme un dieu parmi les hommes », sans troubles ni inquiétudes.
L’homme est-il libre et soumis aux dictats de ses besoins et désirs ?
Satisfaire ses désirs se partage entre deux possibilités et la personne peut penser que le résultat dépend de :
- l’extérieur et dans ce cas elle est dans l’attente : ESPOIR, source de la dépendance. L’individu accepte d’être un sujet soumis.
- L’intérieur d’elle-même et dans ce cas de sa VOLONTÉ, porte de la liberté retrouvée.
L’ÉPANOUISSEMENT se manifestera alors lorsque le désir portera sur ce qui est.
Comment s’y prendre pour rendre le travail moins contraint?
(André Comte Sponville)
Comment obtenir un minimum de satisfaction d’un travail contraint?
Est-ce que X, Y, Z continuerait à travailler s’il gagnait 10 M€ au loto ? Probablement que non !
Et pourtant ? Si X, Y, Z est maçon, agent administratif, peintre en bâtiment… probablement que la plupart va vouloir arrêter de travailler !
Mais si M, est artiste peintre, N, footballeur professionnel de talent, reconnu, R pianiste soliste, qui fait des concerts dans le monde entier, vraisemblablement continueront-ils ?
ET POURQUOI ?
Probablement, parce que le résultat en lui-même de ce qu’ils font est vraiment réjouissant et qu’il est palpable!
La finalité du travail lui-même peut apporter une première satisfaction et renforcer l’envie pour l’activité en question.
En plus si à cela vous ajoutez dans un deuxième temps, au-delà de la satisfaction immédiate, ici et maintenant, un enjeu tel qu’une qualification qui permet l’accession à un niveau supérieur (régional, national, international), le futur sera illuminé, le plaisir décuplé et la sueur due aux efforts produits dans le passé effacée.
Par contre dans l’entreprise industrielle, combien de fois rencontrons-nous cette situation ?
Et combien de fois sommes-nous en contact avec une activité gratifiante en elle-même ?
Combien de managers dirigent une équipe constituée de personnes dont la passion est devenue un métier et d’une moyenne d’âge de 26/27 ans ?
Cela peut arriver, mais plus souvent pour rendre l’activité plus ‘’appétissante’’ il est indispensable de lui donner du sens. C’est là que la hiérarchie devra faire preuve de talent pour manager, fédérer, engager et donner envie aux effectifs. C’est bien là la première mission du manager leader!
Donc nous travaillons pour satisfaire nos besoins et la finalité de l’activité peut se suffire à elle-même. Comme ce n’est pas la majorité des cas, dans l’entreprise tout doit être fait pour donner, au travail, une finalité qui a du sens.
Donner, au travail, une finalité qui a du sens !
Le Sens du travail est toujours lié à quelque chose d’extérieur, extrinsèque.
- Ressenti: à la fois les cinq sens (VAKOG) et nos filtres sélection, distorsion, généralisation. Nos sens n’existent qu’en référence à quelque chose d’extérieur.
- Signification: qu’est ce que ça veut dire ?
- Direction : Où est-ce que je vais ?
Le travail pour le travail en lui même ça n’a pas de sens ! C’est bien pourquoi le salaire a été inventé !
L’origine du mot SALAIRE ? Vient du mot « salarium » en latin, dérivé de sal, le sel qui est, à l’époque, la ressource indispensable pour conserver la viande. Il désignait initialement la ration de sel fournie aux soldats romains (salarium). Et le sel est bien là aussi pour donner plus de goût !
Sensation, signification, direction renvoient toujours vers autre chose que soi-même ! Le sens du travail c’est toujours autre chose que le travail.
Vous et vos collaborateurs travailleriez-vous pour l’amour du patron, du client, de l’actionnaire ? Peut-être oui, plus sûrement NON !
Ma conviction, comme Blaise Pascal c’est que : « Tous les hommes recherchent d’être heureux. Cela est
sans exception, quelques différents moyens qu’ils y emploient. Ils tendent tous à ce but. »
Vous et ceux qui travaillent avec vous allez vous engager, vous impliquer et vous investir, gagner votre vie pour ce qui, pour vous, touche au sacré, ceux pour qui vous donneriez votre vie et que vous aimez vous-mêmes, vos enfants, votre entourage, pour combler vos désirs….et être heureux.
Et c’est ce qui va vous rendre heureux, vous, vos collaborateurs, vos clients, vos actionnaires … et qui va vous faire courir!
C’est là que vous trouverez la réponse à la recherche de l’investissement, de l’implication (envie de faire) et de la motivation, (mettre de l’énergie au service et pour aller au bout de ce que j’ai envie de faire).
N’OUBLIEZ PAS :
Blaise Pascal : « Tous les hommes recherchent d’être heureux. »
Platon : « Le désir est l’unique force motrice ! »
Schopenhauer : « Quand il n’y a plus de désir, reste l’ennui ! »
Spinoza : « Le désir est l’essence même de l’homme ! »
Et désirer (phileïn) la sagesse (sophia), ce n’est rien d’autre que pratiquer ce que les Grecs appelaient la philosophia : la philosophie… Le désir d’être plus heureux associé au désir de sagesse, quand il est défini comme l’aspiration à être plus savant, plus juste est l’élan qui a porté et doit encore porter l’homme à améliorer son existence, à s’améliorer lui-même, afin de se rendre toujours plus moral mais aussi plus heureux.
Dans votre rôle de manager votre première mission sera bien d’éviter à vos collaborateurs de ‘‘tomber’’ chez Schopenhauer, car vous allez perdre tous vos bons éléments, ils vont aller chez le concurrent, pour aller chez Spinoza renforcer l’énergie pour leur faire vivre le ‘’FLOW’’ cher à Mihaly Csikszentmihalyi.
Ne plus voir passer le temps, le secret du plaisir au travail.
Le flow est l’état mental atteint par une personne totalement immergée dans ce qu’elle fait. Dans cet état maximal de concentration, elle ne voit pas le temps passer et n’est plus préoccupée par elle-même. Il s’agit d’un état très propice au plaisir, que ce soit au travail ou dans les apprentissages. Très bénéfique, le flow est accroît le niveau de motivation et de performance dans le monde du travail comme dans la vie personnelle.
Je vous recommande vivement la lecture de ‘’vivre’’, qui apporte une réponse à la question du bonheur. Des années d’étude ont conduit l’auteur à une conclusion essentielle : c’est en s’impliquant pleinement dans chaque instant que l’on accède à l’harmonie et à la joie. Pour y parvenir, il nous livre les secrets d’un nouvel art de vivre.
» Heureux qui n’a pas encore lu Vivre. Il a devant lui des moments de plaisir intense. »
David Servan-Schreiber
Note de bas de page
*Essayez de faire de la poterie. Vous prenez du matériel, vous malaxez la glaise… et c’est moche. C’est raté. Ça ne ressemble à rien. Vous vouliez faire un bel objet, mais ce n’est pas facile. Il faut de la technique. Vous devez prendre du temps, vous entraîner, recommencer plusieurs fois.